Vous pouvez retrouver les expériences les plus célèbres et bien d’autres dans l’excellent bestseller (+ de 300 000 exemplaires vendus) de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois : “Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens” au PUF.
Ces pratiques sont tentantes n’est-ce pas ? Voilà le genre de coaching qui peut transformer un vendeur moyen en un véritable chasseur. Il n’est pas possible de les recommander, ce serait comme vous dire d’éviter tous les paiements électroniques et les chèques pour pouvoir faire du black et augmenter votre marge de 20 % en quelques jours. Mais puisque nous en sommes à l’éthique, à la lecture de ses lignes n’oubliez pas que tous les manageurs benêts et les coaches commerciaux qui mettent une pression énorme sur les collaborateurs les conduisent à travers une liturgie certes plus conventionnelle, tableau de bord, objectifs, réunion et entretien de cadrage, à adopter ce type de comportement avec les pigeons (clients) et les autres collaborateurs.
Notons au passage que l’ouvrage de Joule narre des expériences qui ne sont pas d’hier, lui-même a été édité pour la première fois en 1987 ! J’ai eu le plaisir d’assister à quelques cours de M. Joule à l’université, et malheureusement ce n’est pas récent. Visiblement la tentation de prendre le contrôle sur ses pairs fait toujours recette. Je vois dans le succès du mentalisme, de l’hypnose après celui des sports de combat autant d’indice de ce besoin anthropologique de prendre le dessus. Comme dit l’adage en publicité, c’est nouveau pour celui qui ne connaissait pas et celui qui a oublié…[1]
Pied dans la porte et porte au nez
” Le pied dans la porte “. En 1966 FREEMAN et FRASER introduisirent la notion de soumission sans pression : c’est-à-dire obtenir d’un sujet qu’il émette un comportement coûteux sans exercer sur lui de pression, mais par un moyen détourné qui consiste à obtenir préalablement un comportement peu coûteux qui a peu de chance d’être refusé. C’est la technique dite du ” pied dans la porte “. L’expérience de FREEMAN et FRASER amène des ménagères à accepter l’implantation dans leur jardin d’un panneau encombrant en faveur de la sécurité routière après avoir accepté de poser un autocollant en faveur de la même cause sur l’une des fenêtres de leur pavillon. Dans les conditions de contrôle (pas de manipulation), 16 % acceptent spontanément de mettre le panneau supermoche dans le jardin. Dans le groupe auquel on demande de porter auparavant le petit autocollant sur la voiture incitant à la prudence, on passe à 76 % d’acceptation. Cette technique consiste à obtenir d’un sujet, un comportement peu coûteux (comportement préparatoire), pour l’amener à un comportement plus coûteux (comportement attendu). Tel est le cas quand dans la rue, on vous demande l’heure, pour ensuite vous demander 1 euro. Autre expérience à Toronto, dans les années 70 une femme porte-à-porte demande de porter un pins pour la lutte contre le cancer, le lendemain, une personne de la même association revient collecter des fonds. 74 % des gens avec pins acceptent de donner avec un don moyen de 0,98 $ contre 46 % dans le même quartier en condition d’approche directe (sans pins) avec un don moyen de 0,58 $. Pour renforcer l’effet, il faut donner une dimension importante aux actes préparatoires “merci on rencontre peu de gens comme vous.”
Exemple commercial : cher Monsieur…, voulez-vous participer à une enquête qui ne vous prendra que deux minutes ? Et si nous examinions votre patrimoine afin de vous faire gagner un peu d’argent ? (Un conseiller en gestion de patrimoine anonyme)
La porte au nez
Le principe est inverse de celui du pied dans la porte. Il s’agit de formuler au départ une requête exorbitante, c’est-à-dire que l’on estime inacceptable par le partenaire et une fois le refus obtenu, on formule la requête sur le comportement attendu. Dans une galerie marchande ; “Papa, je veux que tu m’achètes ce nouveau V.T.T. !”. La réponse du père est : non, “bon alors tu m’achètes une glace…!”. Qui refusera ? Une expérimentation réalisée aux États-Unis confirme ces faits (Cialdini). Il s’agissait d’obtenir d’étudiants qu’ils veuillent bien accompagner durant deux heures des jeunes délinquants au zoo. Quand les expérimentateurs formulent directement la requête (groupe contrôle) ; 16,7 % des étudiants acceptent. Dans le groupe expérimental, la requête était précédée d’une requête exorbitante ; c’est-à-dire jouer le rôle du grand frère vis-à-vis d’un jeune délinquant, deux heures par semaine, pendant deux ans. Tous les étudiants refusèrent. La deuxième requête (amener les jeunes délinquants au zoo) était formulée tout de suite après. Dans ce cas, 50 % des étudiants acceptent. Une sorte d’effet de contraste est utilisé, permettant de minimiser l’importance de la deuxième requête, qui devient du coup beaucoup plus acceptable. ” Tu me prêter 100 000 euros… bon au moins tu me dépanner de 100 euros ? ”
Amorçage et leurre
Pourtant, nous nous y attendons, mais nous nous faisons toujours avoir. Depuis que le commerce existe, les mêmes ficelles sont tirées du simple 999 € au lieu de 1000 jusqu’aux conditions écrites en tout petit, aux doubles sens, aux articles de presse complaisants, etc. En voici une amusante : l’amorçage ou low-ball.
Cela consiste à amener un individu à prendre une décision dont on lui cache provisoirement le coût réel. Exemple, décider de faire A en présentant A mieux que B, puis une fois la décision prise, finalement expliquer que A=B. L’individu a une propension naturelle à maintenir A. Exemple : le vendeur vous propose une voiture A plus chère que B, mais avec le dernier modèle d’ordinateur de bord, mais au moment de signer quand vous avez bien décidé il vous annonce qu’il n’a plus le fameux ordinateur disponible pour la voiture A, mais qu’il a juste le modèle d’avant très bien, quasiment pareil… vous avez tendance à maintenir votre achat. Si on ne connaît pas toutes les conséquences d’une décision, les effets de persévération et d’adhérence nous amènent à maintenir un comportement que nous n’aurions jamais adopté en sachant tout dès le départ. On va faire un cadeau sur une liste de mariage et le premier article est une cuillère à café à 100 euros, on prend une auto-stoppeuse avec son homme qui était caché. Tout cela est bien entendu illégal dans le droit commercial français. ■
Comment manipuler vos collaborateurs : faut-il toucher pour réussir ?
Le toucher est un des plus importants moyens de communication non verbale, et l’étude de son utilisation dans la communication est nommée ” haptics “. Le toucher peut être utilisé pour signifier une relation professionnelle, une relation sociale, une amitié, de l’intimité, de l’excitation sexuelle.
Nous donnons culturellement du sens au type de toucher. Par exemple dans notre culture, une poignée de main molle évoque des sentiments négatifs, c’est une interprétation d’un manque d’intérêt ou de vitalité. Une main moite est souvent considérée comme un signe d’anxiété.
Le toucher est essentiel pour le développement physique et psychologique des enfants et pour le bien-être émotionnel des adultes. On use du toucher pour influencer les autres, cela augmente les comportements d’acquiescement. Le toucher est impliquant, c’est une forme de comportement d’approche. Les comportements verbaux autant que les comportements non verbaux de même que la situation influencent le type de signification que nous attribuons au toucher. Les commerciaux savent depuis longtemps qu’avec un simple contact physique, on augmente significativement ses chances d’engager le client dans une interaction de vente.
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[1]En réalité ce n’est pas un adage, j’ai juste formulé cette réalité profonde pour l’occasion.